Le Dramaturge Laurent Contamin Photo © François Louchet
Laurent Contamin écrit
J’écris comme je respire, sans vraiment y penser. J’écris comme j’ai envie, au gré des envies ou des commandes, un peu en dilettante. Je marche dans la forêt de la parole, dans les futaies des situations, des histoires, les taillis des rires, des étonnements, des colères. Je n’ai pas de chemin tracé. Une trentaine de pièces, pourtant, si je ne me trompe pas, sont publiées à ce jour. Dans des registres pluriels, chez des éditeurs différents, pour des publics hétéroclites, sur des thématiques polychromes. La seule constante est peut-être que j’interroge le monde comme il va, à travers les trajectoires de mes personnages – mais bon, c’est sans doute le fondement même du théâtre, ça.
Difficile de me mettre dans une case : je présente mes sincères excuses aux journalistes, critiques et universitaires. Aux amateurs de chapelles et de réseaux. Moi, en tout cas, ça m’amuse de savoir que mes pièces peuvent être entendues aussi bien dans des théâtres comme la Comédie française ou le Théâtre du Rond-Point, à Paris, sur France Culture, que dans des centres socio-culturels de banlieue ou des foyers ruraux de villages reculés. Qu’elles sont jouées par des professionnels et des amateurs. Des adultes, des ados, des enfants. Il y en a pour tous les goûts – et moi, je saute de case en case. J’aime aller sur des terrains autres que le théâtre de texte, aussi, pour découvrir comment ça parle, là : la marionnette, le cirque, la danse, la radio, le langage visuel, la performance de rue… Et je publie des recueils de poésie, de nouvelles, de contes. Je furète, je randonne.
La parole, j’aime la porter, aussi, avec mon corps, la transmettre. Qu’elle me traverse. Acteur, c’est mon premier métier. De théâtre, essentiellement. Une dizaine de mises en scène à mon actif, aussi – pas seulement mes textes, mais aussi Shakespeare, Musset, Sarraute, Schisgal… Depuis quelques années, je vais raconter des histoires directement chez les gens – dans leur maison, leur grange ou leur jardin, dans des médiathèques, des écoles ou des bars à vins, avec trois fois rien – j’adapte des auteurs que j’aime : Arseniev, St-Exupéry, Kleist, Rilke, Claudel… une sorte de colporteur, de veillée en veillée. Pour moi, tout ça (écrire, jouer, mettre en scène, rencontrer), c’est la même chose : je travaille la parole et la parole me travaille.
Je suis d’un tempérament indépendant – je crois que j’aime la liberté, au fond. C’est pourquoi, même si je travaille de temps en temps au sein d’équipes ou d’équipements culturels avec lesquels se nouent des collaborations fécondes (compagnies théâtrales, résidences territoriales, théâtres – le Théâtre Jeune Public de Strasbourg, par exemple), même si j’ai toujours plaisir à transmettre (sous forme d’ateliers d’écriture ou de cours d’art dramatique), j’en reviens toujours, entre deux escales, deux projets, deux rencontres, à mes balades en solitaire dans la forêt de la parole, au gré de mes envies, comme je respire.
Laurent Contamin, Paris, 18 février 2022
retour: traductions portraits site Laurent Contamin
Le texte
Laurent Contamin, Le soleil de Moses, théâtre pour enfants/jeune public © Les Cygnes Paris 2021, ISBN : 978-2-36944-366-7; Übersetzung aus dem Französischen ins Deutsche: Moses die Sonne, Kinder und Jugendtheaterstück; © Wolfgang Barth, 18 février 2022
Extrait:
Séquence 5
Distribution libre. Au public.
Ce gamin
Comment dire
Ce bébé
C’était une évidence que
On n’a pas réfléchi, en fait
Moses
La question s’est même pas posée, voilà
C’était naturel
Oui, voilà : naturel
Le petit Moses
On pouvait pas juste ne rien faire
Juste on pouvait pas
Instinctif
Ni le laisser courir le moindre risque
S’en remettre à la police, à des organismes,
Des administrations
Le laisser se perdre dans le grand labyrinthe…
Après, en y réfléchissant, oui
Peut-être qu’il y aurait eu d’autres solutions
Mais là
Dans l’instant
Moses
Dans l’urgence
Ce gamin, on voulait
On voulait qu’il soit bien
Calme et heureux
Juste ça
C’était comme un petit roi
Un petit roi tombé du ciel dans le chalet de Kim
Il nous souriait
Un sourire tellement grand
On voyait plus ses yeux quand il riait
C’était comme un soleil quand il riait
On oubliait tout le reste
Y avait plus que Moses qui souriait
Le sourire de Moses
Le soleil de Moses
Ce soleil-là, on voulait pas l’éteindre
L’étouffer dans le grand labyrinthe
La machine administrative
Qui sait ce qu’il serait devenu
On voulait le faire durer, le sourire de Moses
Un soleil qui durerait toute la vie de Moses
C’est pour ça
Pour le soleil de Moses
C’est pour ça qu’on a fait ce qu’on a fait.
Photo © François Louchet site éditions les Cygnes site Laurent Contamin