AZILYS TANNEAU: SANS MODERATION(S)

Photo © Max of pics
Azilys Tanneau, SANS MODERATION(S), Paris 2021, © Lansman Editeur, ISBN: 978-2-8071-0338-2; traduction du français vers l’allemand : maßlos [SANS MODERATION(S)], © Wolfgang Barth, 22 avril 2022; cession des droits pour la traduction depuis le 27 avril 2022 : DREI MASKEN VERLAG, München

La pièce
Quelque chose s'est brisé dans la mécanique bien huilée de la vie d'Alexa, modératrice de contenus pour un grand réseau social dont le fondateur semble visiblement dépassé par son succès.

Comment tenter d'expliquer qu'elle en arrive à cacher la nature de son travail à son nouveau compagnon et à virer elle- même dans une violence irrépressible ?

A travers des témoignages recueillis discrètement auprès des collègues d'Alexa, une journaliste accède - et nous permet indirectement d'accéder - à un monde confidentiel où l'exposition aux pires images de notre monde déforme les contours de l'acceptable, sur les écrans comme dans les pratiques de travail.

(Lansman Éditeur – quatrième de couverture de l’œuvre)

Ceci est bien le sujet de la pièce. Le moteur de son développement est la recherche éperdue d’amour dans ce monde devenu difficile surtout pour les plus faibles et vulnérables. Si le texte ne donne pas de solution, il nous montre quand même, dans le rapport avec « l’enfant », une direction possible à prendre.

(Wolfgang Barth – traducteur)
Azilys Tanneau
Azilys Tanneau est née à Châteauroux en 1996. Auteure de plusieurs textes dramatiques, elle est également scénariste et chargée de développement dans une boîte de production audiovisuelle.

Après des études à Sciences Po Paris, elle se forme à l'écriture au sein du master Scénario et Ecritures audiovisuelles de l'université Paris Nanterre, souhaitant donner forme à une passion qui l'accompagne depuis longtemps.

Elle écrit son premier texte, Te reposer, à 18 ans. Elle pensait qu'il dormirait pour toujours dans son ordinateur, mais c'était sans compter sur sa rencontre avec rémy Barché qui met la pièce en lecture publique à Théâtre Ouvert en 2018 dans le cadre du festival Zoom. elle écrit ensuite pour lui T'imagines ?, texte jeune public pour le dispositif "La cabane aux histoires" qui propose aux enfants des histoires sonores et visuelles. La pièce est montrée pour la première fois en 2019 à reims dans le cadre du festival Méli'Mômes. en 2020, elle imagine un Petit éloge du puzzle pour le festival en ligne "Le Privilège de t'embrasser" (créé par rébecca Déraspe et rémy Barché) et le lit lors d'une soirée à la Comédie de Reims avec Pauline Peyrade. 

(Emile Lansman, petite biographie antéposé à la pièce)
Azilys Tanneau sur son écriture et la traduction de SANS MODERATION(S)
J’ai l’impression d’être arrivée à l’écriture parce qu’il a longtemps été difficile pour moi de m’exprimer à l’oral. Mes premiers textes ont en commun des motifs d’incommunicabilité, d’incompréhension, d’absence aux autres ou de malentendus. L’écrit a toujours été, et est toujours pour moi, un pont dressé vers les autres, une façon de les interpeler et de leur demander : est-ce que pour vous aussi c’est comme ça, l’expérience d’être en vie ? Est-ce qu’on peut se retrouver sur cette question, sur ce sentiment, sur cette vision, sur cette angoisse ? Est-ce qu’on peut se parler cinq minutes ? Est-ce qu’on se comprend là-dessus ? Est-ce qu’on se comprend ?

Si je choisis d’aborder cette dimension ici, c’est pour tenter de décrire combien les discussions avec Wolfgang ont été l’une des plus belles choses que l’écriture ait faites pour moi. Ces échanges, par visio et dans un café à Paris, ont été les tous premiers relatifs à la traduction d’un de mes textes dans une autre langue. En soi, c’est déjà quelque chose de se dire qu’un travail solitaire trouve un écho ailleurs que dans son petit bout de monde et qu’il va voyager. Le traducteur est le relai indispensable entre soi et un autre territoire pas totalement atteignable, puisque n’utilisant pas la même langue.

Les échanges relatifs à certaines expressions, mots ou marqueurs culturels ont été passionnants. Mais ce qui m’a frappée, surtout, c’est d’entendre Wolfgang reformuler certaines idées pour s’assurer qu’il avait bien compris et de constater qu’effectivement, rien ne lui échappait, jusque dans les plis les plus discrets du texte. Entendre, dans la bouche de quelqu’un d’autre, les idées qui nous tenaient à cœur au moment de l’écriture parfaitement restituées, c’est extrêmement émouvant. Ça a trait à l’empathie, la capacité à rentrer dans la tête de l’autre, qui est pour moi l’une des plus belles qualités humaines et une forme d’intelligence dont, dans un monde idéal, on userait en toutes circonstances. Et surtout, se sentir compris, c’est déjà alléger un peu le paquet de cailloux dont chacun hérite à la naissance et au fil de la vie.

Même si la pièce était déjà publiée en France et avait reçu plusieurs distinctions, je continuais de douter de certains points. Les discussions avec Wolfgang, sur le fond comme sur la forme, m’ont permis d’y voir plus clair, de confirmer certains choix et de donner de l’aplomb à d’autres. J’ai découvert qu’un traducteur n’est pas seulement le transmetteur d’un texte d’une langue à une autre. Il peut être aussi, comme pour Wolfgang avec moi, un passionné qui donne confiance à l’autrice qu’il traduit. Je lui serai pour toujours reconnaissante que nous nous soyons aussi simplement, aussi fondamentalement compris.

Azilys Tanneau, Paris, le 18 mai 2022
Extrait (Version originale, pages 8 et 9)

Tu sais
Ici c’est pas du genre à te dérouler le tapis rouge
A sortir les courbettes, la fanfare et tout le tintouin
Ici c’est pas fait pour toi
Ici c’est un environnement hostile
Traversé de dangers et de questions sans fin qui te
cognent dans la tête et te donnent envie de tout faire
cesser d’un coup sec
Une fois que t’es monté dedans t’as plus le choix
Faut affronter
Comme dans les montagnes russes tu sais
Quand tu es monté dans le manège c’est fini
Tu es assis sur ton siège
Les portes se verrouillent et la barre de métal à laquelle
tu vas te cramponner se referme sur toi au ralenti
Tu as le temps de voir venir ta connerie
Le bruit des roues sur les rails commence à résonner
Tacatac tacatac tacatac
Dans un roulement continu
Les petits chariots montent une pente dont tu n’aperçois
pas le bout
Sur le moment c’est plutôt agréable tu peux voir tout le
parc
C’est un panorama auquel tu n’aurais pas eu droit si tu
n’avais pas eu le courage d’accepter le défi
C’est plutôt plaisant mais tu sens la connerie arriver
Tu sens que le pic va bientôt être atteint et que sous tes
yeux se déroulera
La pente abrupte
La descente d’organes
Il y a un point d’équilibre et puis tout bascule
Tout s’inverse
D’un coup sec et ça c’est très puissant
Et là tu n’as plus qu’à prier pour que ton coeur ne lâche
pas
Ou pour crever sur place sur ton siège sans douleur
Voilà tu vois ici c’est un peu comme un manège à
sensations trop fortes
Une fois que t’es monté tu dois attendre que le tour soit
fini pour pouvoir redescendre
Si tu descends avant la fin tu t’exposes à des situations
plutôt scabreuses
A y réfléchir tu n’as pas d’autre choix que de ne jamais
renoncer
Ici c’est un jeu aux règles obscures et incompréhensibles
auquel tout le monde accepte malgré tout de jouer
Sans sourciller apparemment de l’extérieur
Parfois tu ne comprends pas comment font les autres
pour accepter ces règles
Pour accepter de ne pas comprendre et tu te sens exclu
Parfois au contraire tu es au centre
En plein milieu d’une partie
Et tu t’éclates
Tu prends ton pied
Tu oublies même que tu es dans un jeu à durée limitée
Voilà c’est ça
Au début surtout c’est super
Et après ça se gâte

portraits
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