Catherine Benhamou, ROMANCE: faire se pencher la Tour Eiffel

PHOTO/image: Lilly Tomec; En allemand: Editions Hofmann-Paul, Berlin
Catherine Benhamou, ROMANCE, Éditions KOINE 2019; traduction de la pièce de théâtre du français vers l’allemand, ROMANZE, © Wolfgang Barth, 11 novembre 2020; cession des droits pour l'allemand depuis le 14 avril 2021: Theaterverlag Hofmann-Paul, Berlin  exposé
Catherine Benhamou, https://www.artcena.fr/actualites/vie-professionnelle/catherine-benhamou-et-sophie-merceron-laureates-des-grands-prix-2020

La pièce

Quatrième de couverture de l’édition KOINÈ :

Jasmine est une jeune fille de 16 ans qui vit dans une cité de la périphérie d’une petite ville du sud de la France. En grandes difficultés scolaires, Jasmine rêve de faire bouger les choses, de partir de la cité, de sortir de l’anonymat, de l’invisibilité à laquelle elle se sent réduite. C’est sur internet qu’elle va trouver la réponse à ses désirs autant qu’un écho à sa colère, en la personne d’un jeune homme qui habite une petite ville du nord de la France. Ce qu’elle croit être l’Amour va quitter le virtuel et débarquer dans sa vraie vie. Il est fiché S, et avec lui son rêve secret deviendra un vrai projet. Imène s’adresse à la mère de Jasmine et tente de comprendre la dérive de son amie. Le monologue d’Imène est traversé par des voix, celle de Jasmine, celles des autres élèves et celle de l’intervenant qui fait remplir aux élèves un questionnaire sur le suicide chez les adolescents.

Texte de l’autrice à l’occasion de la traduction de sa pièce en allemand :

Un texte comme un souffle poétique et politique, qui montre la dérive de Jasmine, une jeune fille de 16 ans qui rêve de faire bouger les choses, de sortir de l’invisibilité.

J’ai voulu en écrivant Romance montrer la complexité d’un processus de radicalisation chez une jeune fille de 16 ans. Montrer comment il est facile de tomber dans des pièges, de se tromper de rêves, de se tromper de mots.

Mal nommer les choses c’est sans doute, comme le dit Albert Camus, ajouter à la misère du monde, mais c’est surtout aller droit dans le mur, ce qui arrive à Jasmine. J’ai voulu montrer la complexité d’une relation amoureuse qu’on a pas vraiment désirée, ou désirée tant qu’elle n’était pas réelle, là encore parce qu’on s’est trompée dans les mots – on a appelé Amour ce qui était de la fascination, de la sidération, ou même de la peur. J’ai voulu montrer enfin comme c’est facile quand on a un.e ami.e de ne pas se rendre compte qu’il ou elle est en difficulté, qu’il ou elle est tombé.e dans un piège.

Jasmine, en s’attaquant à la Tour Eiffel croit s’attaquer au réel. Elle veut que le monde penche de son côté comme la tour Eiffel, que ça bouge, que les choses ne soient pas comme elles ont l’air d’être une fois pour toutes décidées à l’avance, en dehors d’elle.

Elle voudrait avoir prise sur les choses, sur sa vie.

Elle n’a pas compris que rien en dehors des mots ne peut lui donner cette prise, ce pouvoir.

C’est Imène, son amie, qui prend la parole et qui va trouver les mots pour essayer de comprendre elle-même et nous faire comprendre comment on a pu en arriver là, à partir d’une idée absurde, comment l’engrenage de la violence s’est mis en place.

Catherine Benhamou, Paris, 19 novembre 2020

L’autrice

Formée au Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique de Paris (CNSAD), Catherine Benhamou a un parcours de comédienne qui l’a mené à l’écriture.

Elle est l’autrice de Hors jeu et  Ana ou la jeune fille intelligente  publiés aux éditions des femmes-Antoinette Fouque  et  Romance chez Koiné.

En 2020 elle est lauréate du Grand Prix de Littérature Dramatique pour Romance.

Finaliste en 2017 du Grand prix de littérature dramatique pour Ana ou la jeune fille intelligente, ses textes ont été lauréats de l’Aide à la Création Dramatique d’Artcena (Au-delà) et du Prix PlatO (Romance), et sélectionnés par plusieurs comités de lecture (TNS, Mousson d’été, Comédie Française, festival Lyncéus, EAT, France-Culture). Elle répond à des commandes (Théâtre National de Strasbourg, Théâtre du Pélican, collectif A vif), bénéficie de résidences (La Chartreuse-Centre National des écritures du Spectacle, Bibliothèque Armand Gattti-La Seyne-sur-mer, Théâtre du Pélican-scène conventionnée).

Plusieurs de ses textes ont été mis en scène dans des Centres Dramatiques Nationaux ou dans des théâtres privés : La douce Léna (d’après Gertrude Stein) Nina et les managers (pièce sur l’entreprise), Ana ou la jeune fille intelligente (sur le parcours d’émancipation d’une femme analphabète) Hors jeu (à partir de Fin de partie de Beckett) et Au-delà (sur le terrorisme) qui sera créé en 2021.

Elle a reçu une bourse de création du Centre National du Livre en 2019 pour La mélodie sans les paroles  inspiré par la vie de la poétesse Emily Dickinson.

Elle mène des ateliers d’écriture notamment au Théâtre National de la Colline et à l’Université Paris III-Sorbonne dans le cadre de la Licence Professionnelle.

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Catherine Benhamou, ROMANZE: Den Eiffelturm biegen

 
Foto/Bild: Lilly Tomec; Den Text der deutschen Übersetzung können Sie über den Theaterverlag Hofmann-Paul beziehen. Dort finden Sie auch eine sehr gute Beschreibung des Stückes.
Catherine Benhamou, ROMANCE, Éditions KOINE 2019; Übersetzung des Theaterstücks aus dem Französischen ins Deutsche, ROMANZE, © Wolfgang Barth, 20.11.2020; Rechte für die deutsche Ausgabe seit dem 14.04.2021 beim Theaterverlag Hofmann-Paul   Exposé
Catherine Benhamou, https://www.artcena.fr/actualites/vie-professionnelle/catherine-benhamou-et-sophie-merceron-laureates-des-grands-prix-2020

Das Stück

Klappentext der französischen KOINE-Ausgabe:

Jasmine ist ein 16-jähriges Mädchen, das in einer Cité am Rande einer Kleinstadt in Südfrankreich lebt. Sie hat in der Schule massive Probleme und träumt davon, dass sich etwas bewegt. Sie möchte die Stadt verlassen und der Anonymität und Unsichtbarkeit, auf die sie sich reduziert fühlt, entkommen. Im Internet findet sie in der Person eines jungen Mannes, der in einer Kleinstadt im Norden Frankreichs lebt, die Antwort auf ihre Sehnsucht und ein Echo ihrer Wut. Was sie für Liebe hält, wird den virtuellen Raum verlassen und in ihr reales Leben treten. Er steht in der Gefährder-Akte S, und mit ihm wird ihr geheimer Traum zu einem echten Projekt. Imène wendet sich an Jasmines Mutter und versucht, das Abtriften ihrer Freundin zu verstehen. In Imènes Monolog finden sich Stimmen von Jasmine, anderer Schüler und des Referenten, der die Schüler*innen einen Fragebogen zum Selbstmord bei Jugendlichen ausfüllen lässt.

Text der Autorin aus Anlass der Übersetzung des Stückes ins Deutsche:

Ein poetischer Text mit  politischer Aussage über das Abdriften von Jasmine , eines 16-jährigen Mädchens, das davon träumt, etwas zu bewegen, der Unsichtbarkeit zu entkommen.

Als ich Romanze schrieb, wollte ich die Komplexität eines Radikalisierungsprozesses bei einem 16-jährigen Mädchen aufzeigen. Zeigen, wie leicht es ist, in Fallen zu geraten, die falschen Träume zu träumen, sich in Wörtern zu irren.

Nach Albert Camus trägt das falsche Benennen der Dinge wahrscheinlich zum Elend der Welt bei, es kann aber auch dazu führen, dass man wie Jasmine direkt in eine Wand fährt. Ich wollte die Vielschichtigkeit einer Liebesbeziehung zeigen, die man nicht wirklich wollte oder nur, solange sie nicht real war, auch hier wiederum, weil man die Worte falsch verstand – man nannte Liebe , was Faszination, Erstaunen oder sogar Angst war. Und ich wollte zeigen, wie es geschehen kann, dass man nicht merkt, dass ein Freund oder eine Freundin in Schwierigkeiten steckt, dass er oder sie in eine Falle geraten ist.

Jasmine glaubt, durch ihren Anschlag auf den Eiffelturm die Realität zu verändern. Sie will, dass die Welt sich auf ihre Seite neigt wie der Eiffelturm, dass sich etwas bewegt, dass die Dinge nicht so bleiben, wie sie ohne ihr Zutun ein für alle Mal im Voraus festgelegt scheinen. Sie möchte Zugriff auf die Dinge und auf das Leben. Sie hat nicht verstanden, dass nur die Worte ihr diesen Zugriff, diese Macht geben können.

Imène, ihre Freundin, spricht, und sie wird Worte finden, um selbst zu verstehen und uns verstehen zu helfen, wie sich aus einer absurden Idee die Spirale der Gewalt entwickeln konnte.

Catherine Benhamou, Paris, 19.11.2020

Die Autorin

Catherine Benhamou hat am Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique de Paris (CNSAD) studiert. Ihre Karriere als Schauspielerin führte sie zum Schreiben.

Hors jeu [Abseits] und Ana ou la jeune fille intelligente [Ana oder das schlaue Mädchen] wurden im Verlag des femmes-Antoinette Fouque und Romance [Romanze] bei Koiné veröffentlicht.

Für Romance wurde ihr 2020 der Große Preis für dramatische LiteraturARTCENA verliehen [Centre national des arts du cirque, de la rue et du théâtre – Nationales Zentrum der Künste des Zirkus, der Straßenkunst und des Theaters].

2017 kam sie mit Ana ou la jeune fille intelligente in die Endauswahl des Großen Preises für dramatische LiteraturARTCENA . Au-delà  [Jenseits] wurde mit dem Stipendium der Aide à la Création Dramatique des ARTCENA gefördert. Romance ist auch Preisträger des Prix PlatO des écritures théâtrales jeunesse 2019 [Stücke für junges Publikum]. Ihre Texte wurden von mehreren Lesekomitees ausgewählt (TNS, Mousson d’été, Comédie Française, Festival Lyncéus, EAT, France-Culture).

Catherine Benhamou schreibt Auftragsstücke für Theater (Théâtre National de Strasbourg, Théâtre du Pélican, collectif A vif) und hat Stipendien für mehrere Schreibresidenzen bekommen (La Chartreuse-Centre National des écritures du Spectacle, Bibliothèque Armand Gattti-La Seyne-sur-mer, Théâtre du Pélican-scène conventionnée).

Mehrere ihrer Stücke wurden von Nationaltheatern oder privaten Theatern inszeniert: La douce Léna [Die sanfte Lena] (nach Gertrude Stein), Nina et les managers [Nina und die Manager] (Stück über ein Unternehmen), Ana ou la jeune fille intelligente (Stück über die Emanzipation einer Analphabetin) Hors jeu (nach Endspiel von Beckett) und Au-delà (über den Terrorismus), vorgesehene Uraufführung 2021.

2019 bekam sie ein Stipendium des Centre National du Livre für La mélodie sans les paroles [Melodie ohne Text] inspiriert durch das Leben der Dichterin Emily Dickinson. Sie leitet Schreibwerkstätten, insbesondere am Théâtre National de la Colline und an der Universität Paris III-Sorbonne im Rahmen der Licence Professionnelle.

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FERMEZ LES THÉÂTRES

« Je l’ai dit à une autre époque et dans une occasion pareille, et permettez-moi de le redire : Les théâtres fermés, c’est le drapeau noir déployé.

Eh bien, je voudrais que vous, vous les représentants de Paris, vous vinssiez dire à cette portion de la majorité qui vous inquiète : Osez déployer ce drapeau noir ! osez abandonner les théâtres ! Mais, sachez-le bien, qui laisse fermer les théâtres fait fermer les boutiques ! Sachez-le bien, qui laisse fermer les théâtres de Paris, fait une chose que nos plus redoutables années n’ont pas faite ; que l’invasion n’a pas faite, que quatre-vingt-treize n’a pas faite ! Qui ferme les théâtres de Paris éteint le feu qui éclaire, pour ne plus laisser resplendir que le feu qui incendie ! Osez prendre cette responsabilité ! »

Victor Hugo –  Secours aux théâtres – 17 juillet 1848 ; cité par Laurent Maindon https://www.facebook.com/laurent.maindon , 20.10.2020, qui spécifie : « Merci Agnes De Graaff pour cette citation. »

SCHLIESSEN SIE DIE THEATER

„Ich habe es früher aus ähnlichem Anlass schon einmal gesagt und erlauben Sie mir, dass ich es noch einmal sage: Die Theater schließen heißt die schwarze Fahne hissen.

Nun, ich möchte, dass Sie, die Vertreter der Stadt Paris, jetzt dem Teil der Mehrheit, den Sie fürchten, sagen: Wagt es, diese schwarze Fahne zu hissen! Wagt es, die Theater zu schließen! Denn Sie müssen wissen: Wer zulässt, dass die Theater schließen, lässt die Läden schließen! Sie müssen wissen: Wer zulässt, dass die Pariser Theater schließen, lässt etwas zu, was unsere fürchterlichsten Jahre nicht vermochten; was die Invasion nicht vermochte, was Dreiundneunzig nicht vermochte! Wer die Pariser Theater schließt, löscht das Feuer, das Licht erzeugt, und lässt nur das Feuer lodern, das niederbrennt. Wagen Sie es, diese Verantwortung zu übernehmen!“

Victor Hugo – Hilfe für die Theater – 17. Juli 1848 ; zit. nach Laurent Maindon, 20.10.2020, https://www.facebook.com/laurent.maindon, der hinzufügt : „Danke für dieses Zitat, Agnes de Graaff.“ Übersetzung © Wolfgang Barth

Exposé: Christian Bach und Marie-Pierre Cattino, LEAS BRUDER

Marie-Pierre Cattino und Christian Bach, LE FRÈRE DE LÉA, Editions Koinè, Übersetzung aus dem Französischen ins Deutsche : LEAS BRUDER, © Nicole Desjardins, Paris, und Wolfgang Barth, Bremen, 25. Mai 2020

Christian Bach, Marie-Pierre Cattino, LEAS BRUDER [LE FRÈRE DE LÉA]

Marie-Pierre Cattino und Christian schreiben zur Erläuterung der Reihe: „[Sie] richtet sich besonders an Schüler*innen der Sekundarstufe I aller Schularten. Wesentlich bei allen Stücken sind die Passagen des Chores.

Ziel ist es, Lehrer*innen und Kursleiter*innen Texte vorzulegen, auf die sie gemeinsam mit den Schüler*innen zugreifen können um Rollen zu erarbeiten, die sich je nach Bedarf an den Bedürfnissen und Wünschen der Schüler*innen orientieren. Die Chorpassagen bieten also Rollen zur Gestaltung an, legen sie aber nicht fest.

Auf diese Weise ist es möglich, Texte auf unterschiedliche Zielgruppen auszurichten: Klassen mit 25 oder mehr Schüler*innen in der Schule, in anderen Zusammenhängen Arbeitsgruppen mit weniger Teilnehmer*innen und immer auch bestimmt durch die Geschlechterverteilung. Es wird bewusst nicht zu viel Text vorgelegt, damit eine Begrenzung auf sechs bis zehn Sitzungen pro Kurssequenz möglich ist, die es auch externen Schauspieler*innen erlaubt, eine überschaubare Zeit mit der Klasse zu arbeiten. Im Stil bleiben die Texte offen, vermeiden durchformulierten Fließtext und stellen so für Lehrer*innen ein Angebot zum Unterricht in kreativem Schreiben dar.

Wenn sich bei diesem Prozess eine ganz neue Rolle abzeichnet, ist dies nicht unerwünscht. Man wird in der Regel davon ausgehen können, dass Schüler*innen der Gruppe sie gerne weiterentwickeln (oft fühlen sich Freiwillige von einer solchen Herausforderung angesprochen), aber es sollten nicht zu viele sein.“

Das erste Stück, LEAS BRUDER, behandelt in einem nicht ungewohnten Kontext (eine neue Schülerin, Jasmine, kommt in die Klasse) einen brisanten Fall: Beinahe nur Lea spricht mit der Neuen. Aber mit Lea selbst sprechen ebenfalls nur wenige Schüler*innen: Ihr großer Bruder hat eine Geschlechtsumwandlung vom Mädchen zum Jungen hinter sich. Dies ist für viele willkommener Anlass, Lea nicht nur zu meiden, sondern ihr das Leben schwer zu machen. Jasmine wird mit in den Strudel gerissen. Die Freundschaft der beiden Mädchen wird auf eine harte Probe gestellt.

Das Stück bietet den Schüler*innen die Möglichkeit, sich bei der Erarbeitung der Rollen zu positionieren. Nicht alle Mitschüler*innen stellen sich gegen Lea und Jasmine. Die Auseinandersetzung verläuft dynamisch und führt dazu, dass Jasmine, die zwischenzeitlich in Depression verfällt und nicht mehr zur Schule kommt, sich mit Lea der Situation stellt und wieder der Zukunft zuwendet. Diese wird den Bruder nicht ausschließen. Die beiden sind sich sicher, dass die Mitschüler*innen einen Lernprozess durchlaufen und die neue Identität des Bruders akzeptieren werden.

Zur Bewältigung der Lage trägt bei, dass Jasmine die Besonderheit des Bruders von ihrer bedingungslosen Zuneigung zu Lea trennt, die diese sich erworben hat, weil sie Jasmine von Anfang an freundlich aufnahm und sich menschlich verhielt. Aber auch die Identität des Bruders selbst stellt keinerlei Problem dar. Zu diesem Schluss können auch die Schüler*innen kommen, wenn sie sich im Stück mit dem Fall des Bruders und seiner Familie auseinandersetzen.

Nicole Desjardins, Wolfgang Barth, 26. Mai 2020

Eigene Texte

Übersetzungen

Portrait (F): Lucie Vérot

Photo: Juliette Angotti

Née en 1988 à Saint-Étienne, Lucie Vérot est écrivaine, diplômée de l’ENSATT – section Écrivain dramaturge – en 2017.

Marquée par un premier séjour en Guyane, elle mène à l’ENSATT un chantier d’écriture et de recherche au sujet de cette région et écrit notamment Mangrove, sa première pièce publiée (Éditions Espaces 34).  

Deux de ses textes principalement destinés aux adolescents ont été créés à la Comédie de Valence : Le Gène de l’orchidée, mis en scène en 2014 par Luc Chareyron, et Prouve-le, mis en scène en 2016 par Maïanne Barthès, qui a également créé son texte Antigone faille zero day en 2018. Elle collabore actuellement avec le Saint-Denis Jazz Club en tant qu’autrice du livret de L’Opéra vert, composé par Emmanuel Bex. Elle travaille avec différentes compagnies dans le cadre de commandes de textes, pour la scène et l’espace publique.

En tant que dramaturge, elle a travaillé à Kourou (Guyane) avec la compagnie Le Théâtre de l’Entonnoir.

 

MANGROVE

Écrite entre 2016 et 2018, Mangrove est parue en novembre 2019 aux Éditions Espaces 34.

Distinctions :

  • Pièce remarquée du Comité francophone Eurodram en 2020
  • Pièce lauréate du Prix Hypolipo 2019 (Maison des Écritures et des Écritures Transmédias).
  • Sélection tout public du comité de lecture des Écrivains Associés du Théâtre en 2019.
  • Pièce « coup de cœur » du comité de lecture du Théâtre de la Tête noire en 2019.
  • Aide à la création d’Artcena en 2018, au titre des Encouragements.
  • Pièce remarquée par le Comité de lecture de 3ème Bureau à Grenoble en 2018.

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exposé Mangrove

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Portrait (D): Lucie Vérot

Photo: Juliette Angotti

Schriftstellerin, geb. 1988 in Saint-Étienne, Frankreich, Theaterdiplom ENSATT [1] (Sektion Theaterschriftsteller*in ) 2017.

Geprägt von einem ersten Aufenthalt in Französisch-Guayana, leitet sie an der ENSATT ein Schreib- und Forschungsatelier über dieses Land und verfasst insbesondere Mangrove, ihr erstes veröffentlichtes Theaterstück  (Éditions Espaces 34).  

Zwei ihrer Stücke hauptsächlich für junges Publikum wurden von der Comédie de Valence auf die Bühne gebracht: Le Gène de l’orchidée unter der Leitung von Luc Chareyron 2014 und Prouve-le unter der Leitung von Maïanne Barthès 2016, die 2018 auch ihr Stück Antigone faille zero day inszenierte. Als Autorin des Librettos für die Oper L’Opéra vert, Musik Emmanuel Bex, arbeitet sie zurzeit zusammen mit dem Saint-Denis Jazz Club. Sie schreibt Auftragsstücke für verschiedene Theater und den öffentlichen Raum.

Sie war als Hausautorin in Kourou (Französisch-Guayana) am Théâtre de l’Entonnoir  tätig.

MANGROVE

Verfasst von 2016 bis 2018, veröffentlicht  2019 im Verlag  Éditions Espaces 34.

Auszeichnungen :

  • Empfehlungsliste des französischsprachigen Komitees Eurodram 2020
  • Hypolipo-Preis 2019 (Maison des Écritures et des Écritures Transmédias, M.E.E.T.)
  • Auswahlstück des Lesekomitees der Écrivains Associés du Théâtre (E.A.T.) 2019
  • Auswahlstück „Coup de cœur“ [Lieblingsstück] des Lesekomitees des Theaters Théâtre de la Tête noire 2019
  • Förderpreis Artcena [2] 2018
  • Empfehlungsliste des 3ème Bureau in Grenoble 2018.

Aufführungen :

  • Szenische Lesung unter der Leitung von Véronique Bellegarde beim Festival Text’avril im Théâtre de La Tête noire im April 2019.
  • Szenische Lesung unter der Leitung von Élie Salleron im Rahmen der Mardis midis du Théâtre 13 im Oktober 2019. 

[1] École Nationale Supérieure des Arts et Techniques du Théâtre, eine der elf staatlichen Théaterhochschulen in Frankreich

[2]  Centre national des arts du cirque, de la rue et du théâtre

Exposé Mangroven

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Lucie Vérot, MANGROVE [MANGROVEN], Exposé_F

Lucie Vérot, MANGROVE, © 2019 Éditions Espaces 34, 34370 Les Matelles, France; traduction de la pièce de théâtre du français vers L'allemand, MANGROVEN,  © Wolfgang Barth, Bremen, 17 mai 2020; PHOTO: Depositphoto

Monsieur Gustel, ancien légionnaire clochardisé, s’est installé devant une maison délabrée sur la plage près de Kourou. À cet endroit, la mangrove a repoussé très loin l’océan. Sur le balcon de la maison dont la vue donne sur la mangrove, il y a Alban, allongé dans un hamac. Il ne parle plus, a oublié son nom et confié ses codes bancaires à Monsieur Gustel. Il ne veut plus qu’une seule chose : ne plus jamais quitter son hamac.

Le minimum versé par l’État qui arrive tous les mois sur son compte en banque à Kourou pourrait aider à survivre trois personnes: lui-même qui n’a plus besoin de grand-chose, Monsieur Gustel qui s’occupe de lui et va chercher l’argent, et Cécé, la jeune femme de Kourou, serveuse au bar de la plage. Etant donné que Monsieur Gustel s’est blessé au pied et ne peut plus effectuer le long et pénible trajet, il est question que ce soit Cécé qui, contre une commission, aille chercher le pécule à la banque et s’occupe du ravitaillement. C’est avec cette idée comme toile de fond que se nouera la trame de la pièce, non sans complications car nous sommes en Guyane et les choses s’y déroulent différemment.

La région fait partie de ces « lieux qui sont, je ne dis pas des reproductions du monde entier, mais des sortes de métaphores de la vie ou d’un aspect de la vie » (Bernard-Marie Koltès). Les gens venus d’ailleurs peuvent avoir « la sensation d’avaler un verre d’eau tiède à chaque gorgée d’air.» Selon certains personnages de la pièce, les mangroves se composent des corps de tous ces morts sans sépulture, que la terre n’est plus capable d‘accueillir: « D’abord les peuples des forêts, ceux qui étaient là avant tout le monde. Les premiers Blancs, qui les ont tués, mais qui ont pas survécu non plus. Puis les esclaves amenés. Puis les bagnards quand la France a dû trouver d’autres esclaves. Et aujourd’hui tous ceux qui arrivent comme ils peuvent par les frontières [et qui] parfois […] arrivent déjà morts. »

Là-bas, la population multiethnique croise les „Métros“, qui souvent arrivent de la France métropolitaine pour chercher un ailleurs, repartent au plus tard un ou deux ans après ou parfois deviennent dingues. Et il y a la Légion étrangère dont les jeunes volontaires se sont, en général, engagés pour obtenir des papiers français ou faire blanchir leur casier judiciaire.

Sur la plage devant le bar où travaille Cécé, Karine (ingénieure, Métro) passe une nuit bien arrosée et érotisée avec MalaÏ (ingénieure de Guyane). Aimé (jeune légionnaire guyanais) demande à son camarade Rémi (venu d’ailleurs) de lui casser le bras, dévoile la vraie raison de son engagement et explique le cycle absurde de son existence. Éveline (Métro) quitte le pays et repart chez elle : la jungle l’a suivie jusque dans son laboratoire photo argentique à la cave et a couvert tous ces tirages grand format (uniquement des animaux endormis) par une moisissure verte. La Chinoise, sur son lit de la chambre mortuaire, nous raconte l’odyssée incroyable de sa vie. À la fin de la veillée (et, plus tard, encore) Thomas, jeune Métro, est initié par son amie Cécé à des relations d’un type différent avec les morts.

Cécé et Monsieur Gustel sont d’une toute autre autre trempe. Cécé nous montre comment aborder des gens différents et plutôt compliqués (le vieux légionnaire et aussi Karine et Malaï) avec compréhension, empathie et même amour sans pour autant faire siennes les visions du monde d’autrui sans examen préalable, et rester fidèle à son identité sans perdre de vue ses propres objectifs (en particulier, par exemple partir en moto au Brésil et en Argentine avec son amoureux Thomas et, en général, vivre sa vie avec force, optimisme et élan). Et l’inébranlable Monsieur Gustel (qui, d’après Cécé, n’a pas la maladie des Métros ce qui, pour Monsieur Gustel, tient au fait qu’il est venu – et resté – en tant que légionnaire, sans attentes et sans rêves) ne parle plus aux gens qui ne croient pas ce qu’il dit et l’appellent « le charognard ». Lui aussi reste fidèle à lui-même, mais son idée échoue: à la fin, il faut qu’il traîne Alban jusque dans la mangrove dans laquelle il l’avait ramassé.

W. Barth, 18 mai 2020

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Portrait Lucie Vérot

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Lucie Vérot, MANGROVEN, Exposé_D

Lucie Vérot, MANGROVE, © 2019 Éditions Espaces 34, 34370 Les Matelles, France; Übersetzung des Theaterstückes aus dem Französischen ins Deutsche, MANGROVEN, © Wolfgang Barth,Bremen, 17. Mai 2020; FOTO: Depositphoto

Monsieur Gustel, ehemals Fremdenlegionär in Französisch-Guayana, jetzt eher Clochard, lebt vor einem heruntergekommenen Haus am Strand in der Nähe von Kourou. Das Meer dort wird immer mehr von den Mangroven verdrängt. Auf dem Balkon des Hauses mit Blick auf die Mangroven liegt Alban, vordem Ingenieur im Weltraumzentrum, in der Hängematte. Er spricht nicht mehr, hat seinen Namen und seine Kontodaten, die er Monsieur Gustel anvertraut hat, vergessen und möchte nur noch eines: nie mehr von seiner Hängematte aufstehen.

Seine regelmäßig auf der Bank in Kourou eintreffende Grundsicherung könnte drei Menschen beim Überleben helfen: Monsieur Gustel, der das Geld abhebt, ihm selbst, der kaum noch etwas braucht und von Monsieur Gustel versorgt wird, und Cécé, der jungen Frau aus Kourou, die dort in einer Strandkneipe bedient. Weil Monsieur Gustel den beschwerlichen Weg zur Bank wegen einer Fußverletzung nicht mehr schafft, soll sie gegen Beteiligung das Geld holen und Wasser und Versorgung zum Haus bringen. Vor  dem Hintergrund dieser Idee, deren Umsetzung nicht so einfach ist, weil wir uns in Französisch-Guayana befinden, entwickelt sich das Stück.

Dort nämlich, einem der Orte die „vielleicht nicht die ganze Welt widerspiegeln, aber doch Metaphern des Lebens oder eines seiner Aspekte sind […]“ (Bernard-Marie Koltès), löst in der Hitze bei so manchem Fremden jeder Atemzug das Gefühl aus, ein lauwarmes Glas Wasser zu schlucken. Nach Auffassung mancher Personen im Stück sind die Mangroven die Körper all der unbestatteten Toten, die die Erde nicht mehr aufnehmen kann und wieder absondert: Die Ureinwohner, die umgekommenen Weißen, die Waldvölker der geflohenen Sklaven (Bushinenge), die Verstorbenen des „Bagne“, der französischen Strafkolonien, und die der zahllosen Flüchtlinge unserer Zeit.

Dort trifft das Völkergemisch der Einheimischen auf die „Métros“, die aus dem französischen Mutterland (la France „métropolitaine“) kommen, nach spätestens zwei Jahren in der Regel wieder verschwinden oder manchmal verrückt werden, und die jungen Söldner der Fremdenlegion, deren Mehrzahl in der Elitetruppe dient, um Franzose zu werden oder vergangene Straftaten auszulöschen.

Karine (Ingenieurin, Métro) verbringt mit Malaï (einheimische Ingenieurin) eine erotisierte Alkoholnacht vor Cécés Kneipe. Der einheimische Aimé lässt sich von seinem Kameraden Rémi (von irgendwo)  den Arm brechen, gesteht, warum er sich verdingt hat, und erklärt den absurden Kreislauf seines Lebens. Éveline (Métro) verlässt das Land wieder, nachdem der Dschungel bis in ihr Fotolabor gedrungen ist und all ihre Tierbilder grün verschimmeln ließ. Die Chinesin erzählt als aufgebahrte Leiche die unglaubliche Odyssee ihres Lebens, und an ihrem Totenbett und auch später noch lernt Thomas, der junge Métro, von seiner Geliebten Cécé unter anderem den Umgang mit den Toten.

Cécé und Monsieur Gustel aber sind von besonderer Sorte. Von Cécé kann man lernen, was es heißt, liebevoll und voller Verständnis und Empathie auch auf schwierige Menschen (neben dem alten Legionär z. B. auch Karine und Malaï) einzugehen, dennoch Sichtweisen nicht ungeprüft zu übernehmen, der eigenen Identität treu zu bleiben und geschickt und beharrlich die eigenen Ziele (z. B. eine Motorradreise mit Thomas nach Brasilien und Argentinien und überhaupt das eigene, vitale Leben) im Auge zu behalten. Das Urgestein Monsieur Gustel (kein „richtiger“ Métro, weil er als Legionär ohne irgendwelche Erwartungen ins Land kam und blieb) redet nicht mehr mit Menschen, die nicht glauben, was er sagt, und ihn den „Aasgeier“ nennen. Auch er bleibt sich treu, aber sein Plan scheitert: Zum Schluss muss er Alban wieder in die Mangroven schleppen, wo er ihn aufgelesen hat.

W. Barth, 18.05.2020

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Portrait Lucie Vérot

Exposé de Gilles Boulan: LE CHEMIN DE LA MAISON

Traduction en allemand du français de la pièce de théâtre Le Chemin de la Maison de Gilles Boulan, © Édtions de l’aiguille 2013, ISBN 979-10-92143-01-0; Der Weg zum Haus © Wolfgang Barth, mars 2017 ; cession des droits 22.11.2018: KARL MAHNKE THEATERVERLAG Verden; EXPOSÉ de Gilles Boulan ("note d'intentions"), téléchargé le 11 février2020 

„La maison est plus belle
que le chemin de la maison.“
Mahmoud Darwish

Mahmoud Darwish 
© Photo et émission: Deutschlandfunk Kultur

 Le maison est plus belle que le chemin de la maison

C’est le titre attribué à un entretien de Mahmoud Darwich avec le poète syrien Nuri Jarrah. Publié dans La Palestine comme métaphore, cet entretien porte essentiellement sur la première visite de Mahmoud Darwich sur les lieux de son enfance après cinquante années d’éloignement.

S’y croisent les thèmes de l’exil, de la mémoire et de l’identité. Tous thèmes qui ont une résonance très forte dans la conscience palestinienne. Le poète palestinien les aborde sans aucun parti pris, sans violence et sans douleur ostensible. Il décrit des grandes joies et des petits plaisirs de son retour au pays (l’odeur du café à la cardamome, les roses du jardin de sa mère.. ) Il n’insiste pas sur ses regrets ni sur son amertume, ne s’arrête pas à décrire son village détruit et semble se contenter de vivre cette visite d’exception comme une heureuse parenthèse dans le cours de son existence. L’échange se termine par cette conclusion:  

Je dirai “Et  je m’endormirai dans ton nom”. Car j’ai besoin de sommeiller dans un nom, dans la chaleur qu’il laisse sur un oreiller.

Mahmoud Darwish – LaPalestine comme métaphore

Au delà de cet entretien, le projet de la pièce que je me propose d’écrire repose sur son titre: un discret aphorisme pour dire la formidable attente, la puissance du souvenir et les multiples difficultés associées au retour. Celles qui sont aujourd’hui au coeur des préoccupations du peuple palestinien et de son conflit avec Israël, celles qui ont habité hier les dizaines de milliers de juifs fuyant les pogroms et la barbarie nazie  tout comme celles qu’a pu rencontrer Ulysse au cours de son trop long voyage. Plus généralement, le chemin de la maison concerne tous les émigrés quelles que soient les raisons ou la durée de leur exil.

La Palestine

Le projet de la pièce prend également racine dans un important travail de lecture et de recherches dramaturgiques mené au sein du Panta Théâtre de Caen à l’occasion de son chantier-spectacle: La terre aux oliviers ! Ecrire la Palestine. Travail d’expérimentation présenté en mars 2005 et pour lequel deux pièces ont été commandées par la compagnie à Philippe Ducros et à Mohamed Kacimi.

L’objectif de ce travail était de réunir une documentation de matériaux de sources diverses (roman, théâtre, poésie, textes historiques, articles de presse…) et de tenter de dégager  une vision moins superficielle sur les origines du conflit, ses événements et ses acteurs. Cela pour aborder le travail de répétition avec un minimum de savoir historique et de références littéraires propres à alimenter la réflexion de l’équipe artistique et les enjeux-même du chantier.

 De cette fréquentation studieuse durant près d’une année d’une littérature abondante et diversifiée (palestinienne, israélienne et francophone…) sont nés tout à la fois le désir d’écrire une pièce et la conscience des difficultés (voire des risques) inhérents à ce projet d’écriture. Et ces recherches auront sans doute beaucoup moins éclairé les lacunes, les erreurs et les incompréhensions liées au conflit que contribué à initier une approche dramatique du sujet. Elles auront développé un premier élément de réponse à la question fondamentale: comment écrire sur un tel sujet? Comment rendre compte sur la scène d’un théâtre, d’une actualité aussi délicate, aussi brûlante, aussi complexe que la question palestinienne? Et qu’en dire sans tomber dans la partialité, dans le simplisme consensuel ou dans les lieux communs ?

 Les pièges sont nombreux, on le sait. Certains sont plus visibles: l’angélisme partisan et le manichéisme (immédiatement assimilé à l’antisémitisme), la naïveté indissociable de notre condition étrangère, l’exotisme à bon compte… D’autres sont plus pernicieux : le déterminisme politique, la démesure du sujet, la volonté de dégager malgré tout un sens général, le risque de se réduire, de faire triste, de faire pauvre… bridé par une compassion “correcte” dans un contexte qui l’est moins. Le tout sur fond de terrorisme, d’empreinte de la Shoah, de politique d’occupation et de manipulation religieuse.

Et puis comment trouver la dimension universelle de cette histoire enracinée dans un conflit localisé ? Comment trouver le juste écart avec une réalité impossible à décrire dans sa globalité et dans sa complexité ? Comment faire oeuvre de poète et non pas d’historien?  Quel théâtre politique inventer pour dire ça ? Parce qu’il s’agit de respecter l’un et de respecter l’autre sans faire impasse sur ses souffrances, sur ses erreurs et ses mensonges. De les respecter sans faiblesse, sans illusion, sans imposture. Même quand on a fait le choix d’être du côté des perdants.

Je prends le parti de Troie, car Troie est la victime. Mon éducation, ma manière d’être, mon expérience sont toutes celles d’une victime et mon conflit avec l’Autre tourne autour d’une seule question: qui de nous deux aujourd’hui, mérite le statut de victime ? J’ai souvent dit à l’Autre en plaisantant : Echangeons nos rôles. Vous êtes une victime victorieuse, hérissée de têtes nucléaires. Je suis une victime dominée, hérissée de têtes poétiques. Je ne sais si la suprématie poétique nous donnera une légitimité nationale.

Mahmoud Darwich- La Palestine comme métaphore

Le  retour

Le retour: voilà un thème universel qui trouve chez le peuple palestinien, une illustration, une intensité et une légitimité plus que symboliques dans la mesure où près de la moitié des Palestiniens vivent en dehors de leur terre natale, dans des conditions très souvent pénibles. De misère, d’insalubrité, d’absence de libertés. A l’exil qui en soi, est déjà une douleur, s’ajoutent le plus souvent les malheurs conjugués de la perte des racines, de la dispersion familiale et de la séparation avec les êtres chers. S’y ajoutent également les tracasseries diverses, les interdits professionnels, la perte d’identité (ce nom dans lequel sommeiller, respirer la chaleur qu’il laisse sur l’oreiller).

Ils ont fui leur pays au printemps 48, chassés par les massacres et les combats de la première guerre israelo-arabe. Ils n’ont emporté que peu de bagages, laissé le mobilier sur place: les bibelots, les photos, les tapis, les souvenirs… Ils ont tiré les rideaux et refermé la porte à clé. Certains de revenir, certains que les combats ne dureraient pas longtemps et que les frères arabes triompheraient très vite. Et ils ont conservé la clé. Depuis plus de cinquante ans, elle reste au fond de leur poche avec toute sa mémoire intacte: la maison, la couleur des murs, la disposition des chambres, les odeurs du jardin… Oui ! La maison est belle. Et ils ne rêvent qu’à la revoir, à y retourner. Avec la clé. A la faire jouer dans la serrure et retrouver un monde intact.

Le retour, c’est le rêve de ces milliers de Palestiniens victimes de la catastrophe (la Makba), réfugiés de la première heure comme des jours sombres de la défaite du mois de  juin 67. C’est surtout, et depuis toujours, le projet politique qui fédère leurs principales organisations. Le retour (Al Awda) : la réintégration d’une terre expropriée (la propriété des absents) qui leur tient lieu de mère à défaut de véritable patrie. Le retour comme une déclaration solennelle de leur propre existence, en tant que peuple, en tant qu’êtres humains.

Le chemin de la maison

Le retour, c’est enfin (à cause du temps qui passe et de la langue qui embellit, rend la maison encore plus belle) une mythologie, une légende quotidienne, une réponse à leur tragédie. Le chemin de la maison est sans doute pavé de bonnes intentions, il est surtout semé d’embûches. Mais où commence-t-il réellement ?

Jamais partis, jamais arrivés. (…) Chaque fois qu’ils disaient: Nous y sommes…, le premier d’entre eux dégringolait l’arc des commencements. Toi, le héros, laisse-nous que nous puissions te porter vers une autre fin. Périsse le commencement ! Toi, le héros ensanglanté des longs commencements, dis-nous, longtemps encore notre voyage ne sera que commencement ?

Mahmoud Darwich – Au dernier soir sur cette terre

La maison symbolique est la terre à reconquérir, une nation à construire… et une langue à enraciner. La langue se transmet comme la terre.

Victime pour victime, le réfugié palestinien partage avec les Troyens l’expérience douloureuse de la défaite, du massacre et de la destruction. Ce qui ne l’empêche pas de partager avec Ulysse, un plus grand nombre de points communs. Il est parti de chez lui depuis de trop nombreuses années et il dépérit dans un camp supposé provisoire, au pied d’une forteresse qui devient imprenable. Comme lui, il est hanté par l’obsession de son retour. Prêt à user de toutes les ruses, de toutes les stratégies, à recourir à toutes les violences, à édifier de dangereux chevaux mécaniques au ventre rempli d’explosif. Condamné à dégringoler de l’arc des commencements, sans passeport, sans identité administrative et sociale, il pourrait comme le héros de l’Odyssée choisir de s’appeler Nemo. Et le Cyclope ne le verrait pas, le tiendrait pour inexistant.

Gilles Boulan


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